Introduction #
Le pyothorax félin est une affection grave caractérisée par un épanchement pleural purulent résultant d’une infection bactérienne. Il peut être d’origine polymicrobienne et implique souvent des bactéries anaérobies ou microaérophiles. Chez le chat, Actinomyces spp. est une bactérie filamenteuse fréquemment retrouvée dans ces infections, généralement secondaire à l’aspiration de germes oro-pharyngés.
Nous présentons ici le cas de Boulette, une chatte reçue en urgence pour dyspnée et hyperthermie, avec un diagnostic confirmé de pyothorax actinomycosique. Son historique médical récent, comprenant un épisode de toux 6 semaines auparavant et une chute dans l’escalier 4 semaines avant la consultation, pourrait suggérer des facteurs prédisposants à l’infection pleurale.

Cas clinique #
Anamnèse et présentation clinique
Boulette, chatte européenne de 4 ans, est référée en urgence pour dyspnée marquée et hyperthermie à 40°C.
Antécédents médicaux récents :
- Toux persistante remontant à environ 6 semaines avant la consultation, sans suivi vétérinaire à ce moment-là.
- Chute dans un escalier il y a 4 semaines, sans signe clinique évident par la suite selon les propriétaires.
À l’examen clinique, la patiente présente :
- Une détresse respiratoire restrictive, avec une respiration abdominalisée.
- Une tachypnée marquée, associée à une cyanose modérée.
- Une auscultation révélant une diminution bilatérale des bruits pulmonaires dorsaux, évocatrice d’un épanchement thoracique.
- Une léthargie prononcée et une déshydratation modérée.
Examens complémentaires #
Imagerie médicale
- Radiographie thoracique :
- Présence d’un épanchement pleural bilatéral massif, effaçant les silhouettes cardiaque et diaphragmatique.
- Atélectasie pulmonaire secondaire avec consolidation des lobes crâniens et moyens.
- Scanner thoracique :
- Confirme la présence d’un épanchement pleural sévère.
- Atélectasie pulmonaire avec insufflation résiduelle des bronches malgré la compression.
- Rehaussement marqué des plèvres pariétale et viscérale, associé à un épaississement pleural et une probable organisation fibrineuse du liquide pleural.
Analyse du liquide pleural #
Un prélèvement par thoracocentèse est réalisé en conditions stériles, révélant un liquide purulent à forte cellularité.
- Cytologie :
- Présence de nombreux neutrophiles dégénérés, de rares macrophages et une flore bactérienne filamenteuse suspecte.
- Bactériologie :
- Mise en évidence de bactéries filamenteuses Gram-positives, identifiées comme Actinomyces spp. après culture anaérobie et PCR.
- Analyse biochimique du liquide pleural :
- Protéinorachie faible, ce qui rend un pyothorax secondaire à une péritonite infectieuse féline (PIF) peu probable.
- Taux de triglycérides faible, excluant un épanchement d’origine chyleuse.
Ces analyses ont permis d’exclure les diagnostics différentiels de PIF humide et de chylothorax, renforçant l’hypothèse d’un pyothorax bactérien primaire.
Prise en charge et évolution #
Traitement initial
Étant donné la détresse respiratoire sévère, un drainage thoracique bilatéral est réalisé en urgence, avec évacuation d’une grande quantité de pus.
- Stabilisation initiale :
- Oxygénothérapie en cage à oxygène.
- Fluidothérapie IV pour corriger la déshydratation et optimiser la perfusion tissulaire.
- Antibiothérapie IV à large spectre :
- Amoxicilline-acide clavulanique (30 mg/kg BID) pour couvrir Actinomyces spp. et autres bactéries Gram-positives.
- Métronidazole (15 mg/kg BID) pour sa couverture efficace des anaérobies stricts.
- Gestion de la douleur : administration de buprénorphine en IV.
Évolution clinique #
- Les drains thoraciques sont maintenus pendant 5 jours, avec des lavages pleuraux quotidiens au sérum physiologique tiédi.
- L’antibiothérapie IV est poursuivie durant toute l’hospitalisation.
- Après 7 jours d’hospitalisation, Boulette présente une amélioration clinique nette :
- Régression de la tachypnée.
- Normalisation de la température corporelle.
- Radiographies de contrôle montrant une réexpansion pulmonaire quasi complète.
- Les drains sont retirés et la chatte est renvoyée à domicile avec une double antibiothérapie orale (amoxicilline-acide clavulanique + métronidazole) à poursuivre pendant 4 à 6 semaines.
Discussion #
Prise en charge antibiotique ciblée
Une double antibiothérapie est essentielle dans les pyothorax félins impliquant des bactéries anaérobies, notamment Actinomyces spp. :
- Amoxicilline-acide clavulanique : actif sur les bactéries Gram-positives, y compris Actinomyces spp..
- Métronidazole : excellente couverture des anaérobies stricts, souvent impliqués dans les infections pleurales polymicrobiennes.
Pronostic et suivi #
Le pronostic est réservé à bon si une prise en charge précoce est réalisée.
Un traitement antibiotique prolongé (4 à 6 semaines) est essentiel pour éviter les récidives et s’assurer de l’élimination complète de l’infection.
Conclusion #
Ce cas illustre l’importance d’une approche diagnostique rigoureuse en présence d’un épanchement pleural.
L’exclusion de la PIF et du chylothorax a permis d’orienter le diagnostic vers une infection bactérienne, confirmée par la culture d’Actinomyces spp..
Une double antibiothérapie ciblée (amoxicilline-acide clavulanique + métronidazole), associée à un drainage thoracique prolongé, a permis une guérison complète de Boulette. Ce cas met en évidence l’importance d’un traitement précoce et intensif pour améliorer le pronostic des pyothorax félins.
Références #
- Barrs VR, Beatty JA. Feline pyothorax: a review of 75 cases. J Feline Med Surg. 2009.
- Walker AL, Jang SS, Hirsh DC. Bacterial pleuritis in cats: 16 cases (1986-1990). J Am Vet Med Assoc. 1995.